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Trapézification
Le comptable Auguste Bailly, de Boulogne, s’est fracturé le crâne en tombant d’un trapèze volant.
Le comptable Auguste Bailly, de Boulogne, s’est fracturé le crâne en tombant d’un trapèze volant. Son entourage l’avait averti que sa réorientation professionnelle vers une carrière artistique, si proche de la retraite, était un pari risqué sur le plan pécuniaire étant donné la situation actuelle du spectacle vivant et les nombreuses pensions alimentaires de ses vies précédentes ! Mais l’appel du trapèze avait été plus fort, aussi avait-il trapézifié son bureau de comptable. L’appel du trapèze, c’est une manifestation physique qui commençait à rendre son travail de plus en plus pénible au quotidien, notamment lorsqu’en back office ou traitement de mails pros, son corps se mettait à virevolter, balancer, voire carrément voltiger.
Lors des entretiens clientèle téléphoniques, il arrivait encore à rester à peu près discret, mais la généralisation de la visio lors de la crise sanitaire avait provoqué une certaine perplexité quant à ses habitudes vestimentaires et de voltige bureaucratique : un justaucorps pailleté de trapéziste volant semblait ne pas être adapté au sérieux que requiert la comptabilité, et son open space bas de plafond peu adapté à la voltige !
Son manager voyant que le trapèze avait eu un impact positif sur ses chiffres de productivité et le moral des troupes, il avait choisi de tolérer les fantaisies des comptables les plus performant.e.s. Auguste Bailly avait en effet suscité
des vocations, notamment chez son collègue Gilles faisant de la Zumba-Comptabilité, son voisin d’Open Space faisant de la Psychanalyse-Comptabilité, et sa supérieure Lisbeth faisant du Krav-Maga-Comptabilité. Un matin qu’il était mal réveillé à cause de protocoles sanitaires limitant l’accès à la machine à café pourtant si essentielle à ce qu’il sorte de son brouillard matinal, il entama son habituel entretien téléphonique trapézé
et s’explosa contre le plafond avant de s’écraser au sol comme un étron.