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La fin de Giscard
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Je ne m’attendais pas, après le tournant, à voir se dessiner, un peu flou, la silhouette d’une auto-stoppeuse. J’hésitais à m’arrêter. Puis je freinais. Nonchalante, elle s’approcha avec son gros sac de voyage qui semblait bien lourd." Bonchoir Mademoichelle", lui dis-je. Où allez-vous ? A droite me répondit-elle. Alors montez ! Elle s’appelait France.
(Sophike)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
La route sinueuse ne permettait pas la vitesse. Je devais être attentif, mais je m’ennuyais ferme ! Les kilomètres défilaient lentement. Après un énième virage, je vis une femme vêtue de blanc sur le côté droit de la route. J’étais sûr qu’elle était jeune à la hauteur de sa robe. Je ralentis : "Bonjour, je m’appelle Valéry, où allez -vous ?" "Moi c’est Diana, je vais au pont de l’Alma.."." Montez, nous y serons très bientôt ensemble !"
(Lilly)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Je sentais ce jour-là un léger pincement. J’allais me marier, j’allais embrasser une carrière politique, j’allais faire des enfants. En avais-je vraiment envie ? Tout ce qui avait précédé avait été savamment construit pour cela. Au carrefour, il me faudrait tourner à droite mais j’étais plutôt enclin à faire demi-tour, affronter les ancêtres, renoncer à la gloire. M’écraser à mon tour, sur le paillasson de mon destin.
(Delphine)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Tout cela manquait singulièrement de tragique. J’allai chercher du côté de Bernanos. « La joie du jour, le jour en fleurs, un matin d’août, et déjà, dans l’air trop lourd, les perfides aromates d’automne, éclatait à chaque fenêtre de l’interminable véranda aux vitaux rouges et verts. C’était la joie du jour, et par on ne sait quelle splendeur périssable, c’était aussi la joie d’un seul jour... » Ca avait nettement plus de gueule, mais ça ne terminait pas l’histoire, et il ne me restait que neuf minutes. En plus de cela, j’avais perdu la bagnole. Il faisait beau, mais plus tant que ça. On sentait que l’automne allait arriver, mais pas tout de suite. J’étais en voiture, mais la fenêtre ouverte, pour être dehors en même temps. C’était l’été, la fin de l’été, j’allais voir ma maîtresse, elle m’attendait, elle allait m’ouvrir les bras, sur la véranda, et qu’est-ce que ça pouvait bien faire, que je fusse médiocre poète.
(Emmanuelle)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
J’avisai soudain un paresseux écrasé sur le bord de la route. Je fis crisser les pneus et sortis en trombe du véhicule. L’animal était sans un souffle de vie, la gueule ouverte et la langue bleue. Je pratiquai un massage cardiaque et un bouche-à-bouche (l’haleine du paresseux, même à l’agonie, est au-delà de toute description) mais sans succès. D’un geste posé, j’ouvris la portière de ma DS intérieur cuir et repris ma route vers mon immuable destin, accompagné par la fragrance buccale inoubliable de l’édenté tardigrade.
(Martin)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Une DS noire me dépassa à grande vitesse,conduite par un chauffeur à casquette. Sur la banquette arrière une haute silhouette se dressait coiffée d’un képi étoilé comme celui d’un général . Et ce nez, ce grand nez,non c’est impossible. En quelle année sommes-nous ? Je n’aurais pas dû reprendre ce quatrième verre de Veuve Cliquot pour faire plaisir à ce foutu préfet. Lorsque j’entendis la Marseillaise je m’arrêtais, hagard.
(Kerléo)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Ma passagère était silencieuse. La corolle de sa robe fuschia découvrait des jambes bronzées. Je laissai négligemment ma main droite sur le levier de vitesse de la DS et je pus percevoir la douceur qui émanait d’elle, promesse des délices à venir à notre arrivée au château. Violette, elle doit s’appeler Violette, décidai-je. L’auto-radio nous enchantait d’un récital d’Yvette Horner. C’est pas tout ça, mon lapin, mais les diamants, ils sont où ? s’exclama-t-elle en sortant un pistolet de son sac à main.
(Marie la Gouache)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
Je sentais mon avenir tout tracé. Demain je serai réélu bien sûr ! Ces années 80 me parraissent propices, rien que pour moi j’oserais dire...Mitterand est trop fade, n’a pas la classe des aristocrates, des gagnants. Bon, j’aurais toujours aussi peu de temps pour l’accordéon, mais quelle importance face à la sensation de se savoir le premier, le plus important, le meilleur ! Encore un beau mois de Mai, vivement demain ...
(Maia64)
On sentait ce jour-là une trace de fraîcheur dans l’air, comme un premier signal de la fin prochaine de l’été, mais le ciel était encore bleu, immuable et paresseux, écrasé sur la tête des arbres et sur les tuiles des maisons, sans un souffle de vent. Je roulais la vitre ouverte, l’avant-bras posé sur le rebord de la portière.
On vit ce jour-là un flash-ball dans l’air, tel un flou signe de la fin, fuir l’être, mais le ciel vire au noir, plomb ou plume, fond sur la tête des cimes et sur les tôles des huttes, sous un flot de vent. Je roule la vitre close, le bras tombe sur le bord de la route !
(Tchatchatcha)
Par Martin Granger, Marie La Gouache, Emmanuelle Saintin, Maia64, Lilly, Sophike, Kerléo, Delphine Regnard, Tchatchatcha, Maya Vigier
Il s’agissait de terminer au plus vite une nouvelle dont le début était écrit par Valéry Giscard d’Estaing (passage en italiques).