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Dongeons et stagiaires
Vous êtes un gnome expert-comptable au corps sec, âgé de 66 ans. Votre longue barbe offre un dégradé de gris, et votre calvitie laisse entrevoir un crâne luisant, qui reflète l’avenir, pour ceux qui savent le déchiffrer.
Vos rides nombreuses sont creusées et injectées de sang. Vous êtes bossu et engoncé dans un corset de verre. Votre voix est féminine, aiguë et stridente. Votre odeur évoque un vieil après-rasage de mauvaise qualité.
Vous portez un smoking taillé sur mesure et des mocassins à talons hauts en cuir de crocodile pour compenser votre petite taille. Vous êtes célibataire et on comprend pourquoi.
Vous marchez depuis plusieurs jours dans une forêt gardée par des lutins furieux. Les arbres mystérieux ressemblent à des baobabs. On entend des oiseaux le jour, on aperçoit des lucioles la nuit. Il y a des endroits sombres comme des endroits verdoyants.
Une odeur naturelle de bois, de mousse et de terre emplit vos narines. Cette forêt est remplie d’animaux sauvages, de biches, de sangliers, et de petit gibier. On perçoit le craquement des feuilles mortes sous le pas acharné des animaux sauvages.
Un silence inquiétant apparaît au crépuscule, troublé par le claquement sec des agrafeuses de bureau. Les feuilles prennent les premiers rayons du soleil à travers le bourdonnement du réseau wifi. L’hiver, les feuilles A4 tombent pour renaître au printemps.
La loi de la forêt laisse mourir les plus fragiles sous les crocs des plus forts. Le pas féroce des sangliers réveille les hiboux le jour. Le tir du chasseur fait trembler les magnifiques hirondelles.
Soudain, un claquement sec se fait entendre et vous ressentez une vive douleur. Vous avez posé le pied dans un piège à ours électronique. C’est à ce moment-là que vous entendez un grognement. Et surgit un loup à deux têtes qui éteint le mécanisme du piège à ours et guérit votre blessure en la léchant avec sa salive qui contient naturellement de fortes doses de paracétamol. Il vous propose un objet magique et vous donne le choix entre une épée en argent et un vélo. Vous choisissez le vélo.
Vous vous dirigez en vélo vers une montagne enneigée. Apparaissent des lianes vivantes qui bloquent vos roues. Vous tombez dans la neige, vous glissez dans une crevasse et vous vous assommez contre une vieille souche. Vous vous réveillez dans l’obscurité.
Dans une nuit froide et oppressante se dresse devant vous un château mystérieux qui selon la légende serait hanté par des directeurs des ressources humaines.
En observant les remparts entourant l’ombre imposante de l’édifice, vous remarquez que ces derniers sont en partie effondrés et recouverts de lierre anormalement gluant.
La tour centrale et celle de gauche sont délabrées mais toujours debout tandis que celle de droite s’est effondrée dans un labyrinthe visiblement abandonné depuis des siècles.
Un épais brouillard rend cette vision encore plus mystérieuse. Vous distinguez malgré cela une faible lumière émanant d’un data-center et reflétée par les fenêtres du château.
À votre approche, le pont-levis s’abaisse violemment, laissant entendre un fracas de vieilles planches. Au fond des douves vides, une étrange silhouette rendue familière par vos heures de jeu sur skyrim se poste devant le pont-levis.
Ce personnage petit, gros et barbu est en réalité un agent logistique affligé d’une demi-calvitie, maniéré et transpirant des auréoles d’une sueur poisseuse.
Il a un gobelet de café froid dans une main et un talkie-walkie dans l’autre. Il n’est pas classe en bleu de travail. Il a des chaussures de sécurité et fume des cigarettes bas de gamme.
Il porte une ceinture lombaire pour se protéger des lumbagos. Sa stature imposante contraste avec sa voix fluette. Il a 32 ans et son conjoint s’appelle Philippe. Il vous menace avec son transpalette.
Vous décidez de lancer un sort d’assistance et faites appel à une sorcière de niveau 5. Elle apparaît en toussant dans un nuage de fumée âcre.
Cette sorcière marocaine s’appelle Jamila. Elle a une grosse verrue sur le nez et une jupe longue et craquée. Elle a des cheveux longs et frisés dressés en palmier. Elle a des ongles de 13 centimètres et des poils aux tibias. Ses chaussures sont pointues et courbées vers le haut. Sa voix grave est comme un poison sonore qui sort de sa bouche fripée aux dents cassées. Bref, elle a 78 ans. Elle vous remet un parchemin. Il s’agit d’une proposition d’embauche…