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L’Anomaliette

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Tuer des maliettes, c’est pour les mauviettes. Faut observer, surveiller, lontemps, et au moment où, rire. Voilà. Rire en les regardant. Se débrouiller pour que le plumage rétrécisse, rétrécisse jusqu’à se condenser en une tache rouge au milieu du poitrail. C’est tout. Ne pas tourner le dos, ne pas enlever son chapeau, étudier leurs mœurs, agir avec méthode. Jacquemort sait faire ça, et depuis tellement longtemps qu’il ne sait plus quand il a commencé le gros livre. Après, le reste vient tout seul. Jacquemort fait sa vie de l’illustration des maliettes. S’il vous plaît, pas de leçon de dessin. Si on veut discuter précision, il est prêt à répondre imagination. Parce que – et Jacquemort s’excuse – lorsqu’un chercheur du Muséum parle d’œil de lune, de couleur de suie ou de cris de souris, il sait bien qu’il raconte n’importe quoi sur des bêtes inconnues. Théoricien, pas sur le terrain, air connu. Jacquemort, c’est le contraire. Et de toute façon, il n’a pas à se justifier, il s’en fout. Les maliettes, ce n’est pas une vocation, c’est une disposition. Un cœur subtil et tendre si l’on préfère.


D’après le début de "L’Anomalie", d’Hervé Le Tellier etcomposé un 21 avril, jour de son anniversaire et veille du suicide de Victor Miesel.