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Une autre Clémence
Clémence n’est pas une héroïne de roman.
Pour imaginer son travail, dresser la liste des opérations transformant les cocons de bombyx en fil de soie prêt à tisser ?
Clémence Blanc a les cheveux si blonds qu’ils en paraissent presque blancs, s’accordant ainsi à son nom. Clémence Blanc est une des rares Lyonnaises à faire l’ovaliste dans les ateliers de moulinage de la ville.
Asphyxier les vers dans un four à vapeur,
Les ovalistes sont les servantes des moulins dont l’ovale est la pièce centrale, la pièce motrice.
retirer les cocons du four
Debout douze heures par jour, elles veillent sur les moulins dont elles garnissent et dégarnissent les bobines,
et les poser sur des plateaux où ils sèchent pendant trois mois,
vérifient la qualité de la soie,
au cours desquels il faut les retourner régulièrement pour accélérer l’évaporation de l’eau,
nouent et dénouent les fils cassés.
tirer ensuite les fils de soie des cocons en les jetant dans des bassines d’eau très chaude dans lesquelles on plonge les mains pour en tirer les filaments de soie de qualité supérieure,
Nul besoin de qualification.
presser plusieurs de ces filaments ensemble pour obtenir un fil,
les quelques hommes qui ont la même tâche ne s’appellent pas des ovalistes mais des ouvriers moulineurs.
bobiner ces fils pour en faire des écheveaux, préparer les fils pour les métiers à tisser.
Un franc quarante, 1,40F par jour aux ovalistes, 2F aux ouvriers moulineurs.
Avec la puanteur des chrysalides en décomposition, l’eau brûlante, la bourre de soie dans l’air des ateliers dont les fenêtres étaient fermées pour protéger la coûteuse soie.
Femmes sans qualification. Femmes sans qualités. Les mots dépassent la petitesse de la paie comme de la pensée.
Un métier de femme.
Fils tissés extraits d’Oublier Clémence, de Michèle Audin, et de Il n’y aura pas de sang versé, de Maryline Desbiolles (Sabine Wespieser éd., 2023) qui raconte la révolte des ouvrières des ateliers de soierie lyonnaise, en 1868.