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Toutes les nuits la nuit
Toutes les nuits la nuit… Quand le feu se sera propagé, alors nous sortirons de notre nuit. Quand il y aura le feu, plus rien d’autre ne comptera. Le feu sera le grand purificateur. Ce soir, l’armée de Spartacus bivouaque sous un ciel débarrassé de tout nuage. Chacun veut y voir la promesse de lendemains meilleurs ! Au-dessus de la cour de l’usine, flotte un élégant croissant de lune au milieu d’étoiles comme des punaises de cuivre fichées dans le plafond du ciel. Loin des déserts de sa Nubie natale, un rétiaire frissonne de froid, mais c’est là le doux frisson de la liberté. Tous ont l’impression de pouvoir enfin respirer : ils se souviennent des grèves de mai 68 et de ce que leurs pères leur ont raconté du Front Populaire. Les délices de Capoue, un sentiment de vacances anticipées ! Il leur faudra gagner la mer, bien sûr. Ils rêvent de leur retour en Thrace et en Bithynie. Déjà l’immensité du ciel, au-dessus du beffroi, leur est présage de folles espérances. La chaîne, les chaînes, ils s’en sont détachés, définitivement peut-être, pour longtemps du moins. Dans le ciel brille la constellation de la Balance dont les étoiles s’appellent « Lib()rae », quel augure ! Révoltés et grévistes ont levé les yeux. Ils savent qu’un jour cela n’existera plus – le fléau de la destinée peut si vite basculer – mais ils sont heureux d’avoir senti sur eux, un moment, cette lumière.
Quand Jacques et Julio se rencontrent. Souvenir d’une lecture : Tous les feux le feu, de Julio Cortazar.