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Saint-Simoniens contre la nuit
La nuit, Enfantin et ses disciples, assis en croix, recherchent une expression mathématique de la vérité et de la morale. Quand ils auront mis le feu aux esprits, ils ne pourront plus voir la nuit qui règne sur ce siècle. Quand on a ce feu chevillé au corps, il n’y a plus que ce feu qui compte. Ce feu-là est un hypnotiseur. Ce soir regardez, notre idéal va chasser pour tous, tous les nuages ! Ils ont fixé des notions pour mieux vivre : que l’une soit l’égale de l’un, que l’éducation soit soignée. Il y a un froid qui tombe lorsque la police arrive, bien sûr et on envoie Enfantin s’aérer pour deux ans à Sainte-Pélagie, ça lui fera des vacances. C’est vrai que dans cette prison oubliée (1) de Paris, il manque la mer mais, là, il se dit que l’Orient n’est pas mal non plus comme idée de l’infinitude. Ils ne savaient pas qu’ils y partiraient aussi nombreux et pour aussi longtemps. Regardez leur idéal, je l’ai vu, tu l’as vu et pourtant il n’existe déjà plus puisqu’il y a les affaires coloniales qui se développent à la vitesse de la lumière.
Jacques Jouet-Enfantin, roman, P.O.L. (2)