Accueil • L’oulipien de l’année • Diomira, une ville invisible •
Ô Diomira
Qu’il est loin ce pays, qu’il est loin
Parfois du fond de moi monte en filigrane
Cet endroit magique d’Italie
Qui me fait revivre toute la Toscane.
Ô Diomira, Ô ma ville, Ô ma ville
Tu partirais de là, d’un bon pas.
Si en allant vers l’Est, tu lambines
Tes trois jours de marche ne suffiront pas,
Pour parvenir au pied de cette colline
Ô Diomira, Ô ma ville,
Tu verras ses soixante coupoles d’argent,
Tu verras resplendir au centre des fontaines
Le visage des Dieux en bronze étincelant,
Ces rues pavées d’étain qui montent de la plaine
Tu verras ce théâtre illuminer le soir
Une fleur de cristal que le soleil arrose
Tu entendras du haut de cette tour d’ivoire
Le coq d’or qui salue chaque matin les roses
Tu les connais déjà, ces beautés éclatantes
Tu les as vues aussi, dans de nombreux pays.
Mais ce qui pousse en toi cette émotion troublante,
C’est quand tu viens ici, lorsque tombe la nuit...
A la fin de l’été, quand les jours sont plus courts,
Qu’on voit briller soudain aux portes des palaces
Un spectre de couleurs qui embrase les tours
Et qu’une femme, au loin, crie : hou !, de sa terrasse...
Alors, au fond de toi, tu envies
Ceux qui en cet instant de leur vie
Pensent qu’ils ont déjà vécu, pareille soirée
Et que cette fois-là, ils se sont enivrés.
Ô Diomira, Ô ma ville, Ô ma ville
Par Guy Deflaux
D’après Italo Calvino - Les villes invisibles (Seuil) et Claude Nougaro (Toulouse)