Accueil • L’oulipien de l’année • Vers à soie •
Les Magnans
René de Obaldia (Innocentines, 1969)
Les magnans mignons murmurent dans le mûrier
ils ne mangent pas ces mûres molles et mates
saturées d’un sucre non susceptible de saoûler
les magnans mignons qui sont méticuleux et modérés
broutent la broussaille avec un bruit brouillé
ça les ensuque et les endort mais à l’entour de leurs endosses
ils se construisent un cocon aux coins curvilignes
avec un brin de bave, puis bullent béatement
En le dévidant on déroule une demi-lieue de délicatesse
dont on fait pour une femme fatale un fourreau
extraordinaire également qu’elle exhibe avec élégance
Quand la dame décède, avec sa dépouille on se débarrasse
de la soie et on sème, sur sa sépulture en septembre,
un mûrier où monocordement les magnans mignons murmurent.
Jacques de Roubaldia