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Le ver à soie nous donne sa leçon de savoir-vivre
Le poète Corrozet dit que pour vivre
En accord avec soi, l’oeuvre devra mourir.
Vu qu’il ne nous dit pas s’il nous faudra courir
Espérons pouvoir prendre le temps de dire...
Rêve-t-il, le ver à soie, de nous écrire
A sa manière un livre ? Savoir, est-ce ouvrir ?
S’il veut nous parler, le ver devra-t-il s’ouvrir ?
On connaît de Courbet la source du vivre
Il faut pourtant bien en sortir pour s’écrire...
Est-ce qu’un bombyx mori sait qu’il va mourir
N’offrant au monde qu’un rien pour ainsi dire :
Oeufs qui fécondés laisseraient l’espoir courir
Une fois couvés de voir l’espèce courir ?
Sait-il surtout que l’homme, obsédé d’ouvrir,
Décimera sa descendance ? Peut-il dire
Ouvert, le ver : "Papillon j’eus voulu vivre
Ne fût-ce qu’un instant, pour aussitôt mourir" ?
Nous devrons responsables un jour l’écrire :
Est-il bien juste que pour pouvoir écrire -
Sur un papier de soie, voir la plume courir -,
A la couveuse nous envoyons tous mourir
Les grains d’un gris rentable, n’offrant le vivre
Et le gîte aux vers nés d’eux que pour les ouvrir ?
Ces cocons n’auraient donc pas leur mot à dire ?
On est des vies à venir, comment vous dire...
Nous pouvons sans soie nous vêtir, nous écrire.
Des nymphes, direz-vous, veulent-elles vivre ?
En bombe x, de s’accoupler, folâtrer, courir
Sur les branches du mûrier, voir les fleurs s’ouvrir ?
A cela je réponds : Et rêver de mourir ?
Voudrait-on avant de vivre déjà mourir ?
Osons sans ergoter aujourd’hui le dire :
Il ne faut plus les dévider, plus les ouvrir,
Respect pour les vers, leur vie reste à écrire !
Vivent les papillons et leur droit de courir
Il faut en un mot laisser ce monde vivre...
Vu que qui veut vivre devra aussi mourir,
Rien ne sert de courir... Entends le ver te dire :
Est-ce pour m’écrire que tu voudrais m’ouvrir ?