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Le 118
Je vois des murs de brique aux tons mélangés, gris, marron, rouille, un papier peint beige, le plafond en lattes de bois, des tableaux remarquables.
Je sais que ce lieu est riche de rencontres, débats sur la ville et les hommes ; moments chaleureux, café chaud, palabres en tous genres.
Je remarque un tableau au fond à gauche, art brut, dessins géométriques à la craie, le chuintement de l’eau dans les radiateurs, les petites fleurs blanches sur la table.
J’ignore qui a peint le visage penché, yeux tristes, traits émaciés, petite calotte bleue dessus la tête.
Je pense que cet endroit en ce dimanche matin respire le calme, l’ordre, la tranquillité ; et que c’est vraiment bien qu’il existe.
Je suis sûre que les photos en noir et blanc sur le meuble représentent des amis de Michel.
Je me demande par quel miracle ce lieu perdure, comme hors du temps, hors du monde agité et gris et triste, dehors.
Je parie que Michel a préparé cette pièce pour nous, accueil délicat, soin particulier.
Je refuse d’imaginer qu’on puisse fermer cette maison un jour.
Je vois la toile cirée verte, le livre Impertinence de l’utopie et, sur le meuble, Esthétique de la résistance et Le nouvel esprit du capitalisme.
J’entends le silence du dimanche, l’eau des radiateurs, le tac tac discret du métal qui chauffe, le frottement de nos manches sur la table, le glissement ténu de nos stylos sur le papier.
Par La Jardinière
Michel Perret fut l’hôte de Zazie Mode d’Emploi, qu’il accueillit chez lui, 118 rue Jean Bart à Hellemmes.
Prêtre-ouvrier épris de vie et de poésie, peu lui importait le dogme, mais beaucoup l’humanité en lutte...
Ce poème de la série « en remontant la rue & le temps » décrit la maison, toujours ouverte, d’un vrai ami.