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L’orange, la limace et le petit nuage
C’est en les regardant vraiment
Qu’on voit les objets prendre forme.
L’enfant qui ignore les normes
Nous le montre, dans un moment.
Jouant dans un jardin, il repère une orange.
« Que fait-là cette fleur étrange ? »
Demande-t-il à son papa, l’agriculteur,
« Ou…quelle sorte de nuage
Ai-je trouvé ici, flottant sur le boccage ? »
Le père répond qu’une fleur
Est une fleur, sans l’ombre d’une erreur.
Mais l’enfant, l’orange à la main,
Veut voir l’intérieur du nuage.
Il ne peut pas, c’est de son age,
Peler la fleur tout seul : son papa intervient
Et lui donne aussitôt six quartiers de la fleur.
Le père en garde un et le mange :
« Comme le quartier d’une orange,
Dit-il à son enfant, le quartier d’une fleur
N’est que le quartier d’une fleur. »
Le petit mange.
Il dit : « Voici de mon nuage
Un morceau qui a la saveur
D’une fleur.
Mais de quelle fleur s’agit-il ? »
Demande le petit enfant dans son babil.
Le père lui répond qu’un nuage
Est un nuage, pas davantage
Et qu’une orange
Reste une orange,
Même aux vendanges.
L’enfant repère alors glissant
Dessous la vigne un corps gluant :
Une limace, qu’il ramasse.
Et le père voit, quant à lui,
Quelque petit chien d’Italie.
Il demande d’où vient la pluie.
Il s’interroge sur l’origine spatiale
De cette comète automnale…
Venue occuper son jardin.
« Cela n’a rien d’astral, dit alors le bambin,
Mais c’est un fruit auquel deux cornes sont venues. »
Rien n’est tombé des nues.
Le père épluche alors l’orange,
Dit à l’enfant : « Voici
Une tranche de pluie qui se mange
Et voici un quartier de neige que l’on boit
Et voilà un rameau de patatras, aussi. »
« Chouette, hibou ! », crie l’enfant dans sa joie.
Et il propose au ramoneur
L’orange qu’il avait gardée, comme une fleur.