Accueil Z’écritoires En sortant des ateliers
L’improvisateur

Page précédente Page suivante

Ce qui est parfait, chez moi, c’est ma capacité à improviser en toute circonstance. Enfant, lorsque je déballais une boîte de Lego, je prenais soin de mettre à la poubelle la notice de montage et je me lançais dans des constructions à faire pâlir Le Corbusier.
Au collège, lorsqu’il me fallut justifier un retard au cours de mathématiques de Mme Carpentier, je lui racontai que les rayons du soleil passant à travers un chargement de panneaux de verre courbé sur un poids-lourd, avaient fait fondre le goudron juste sous mes pas, ralentissant ma progression.
Plus tard, j’ai obtenu un 20 à l’oral du bac français après avoir parlé pendant 30 minutes des Essais de Montaigne, que je n’avais jamais ouverts, expliquant combien la perception épistémologique de la dimension métaphorique du genre autobiographique introduisait une rupture radicale avec l’ancien paradigme de la littérature romanesque post-épique.
Lorsqu’il m’arrive de me trouver dans un club de jazz, il n’est pas rare que je laisse traîner mes doigts sur le piano pour accompagner presque sans y penser une reprise de Duke Ellington. Invariablement les autres musiciens cessent peu à peu de jouer, et je termine le concert tout seul sous les regards admiratifs de blondes vaporeuses.
La semaine dernière, de retour de Montréal, le pilote de l’A340 ayant été victime d’un infarctus, j’ai pratiqué une sternotomie avec ses branches de lunettes stérilisées au whisky, avant de lui poser des stents coronaires bricolés à l’aide d’une paille en plastique. Le copilote s’étant évanoui à la vue du sang, j’ai dû prendre les commandes de l’appareil, que j’ai posé comme une fleur dans un champ de betteraves sucrières du côté d’Albert.