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L’héroïne d’aucun livre
Clémence J. n’est l’héroïne d’aucun livre.
À fin d’évaluer son travail, pensons aux gestes qui vont faire d’un tas de cocons de bombyx ce fil soyeux, ad hoc à tisser. D’emblée, on asphyxie l’amas d’esches à l’intérieur d’un simple four à buée, avant d’ôter un ramassis de cocons du gril : contenu mis au sec un trimestre, à même un plat que l’on remue çà et là — donc l’évaporation s’accélère. Hop, ensuite la mèche y panachant du fil de satin coule dans l’eau trop chaude, pot d’où — la dextre vis-à-vis de la sénestre — l’on extrait du filament d’excellence. Puis on presse moult fibres, au prix d’impétrer un fil après l’autre. On fait de la sorte l’écheveau dont le but vise au métier à tisser.
Un travail de consomption, que l’on a envoyé du terroir jusqu’à Lyon. Qu’y sentir ? La mort, les maux : ô chrysalides, ô brûlures d’eau, ô abjecte loi du confinement d’air, ô ateliers où l’on bardait le si cher satin. Corvée : un mot au féminin.
Clémence J. = Clémence Janet, née le 2 septembre 1879 à Tournus (Saône-et-Loire) et morte à Lyon (2e arrondissement) le 15 janvier 1901.