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Annan pangrammatique
Trois suffocantes journées de chameau nous ont conduits dans la vallée
d’Annan, pays des Zéphyrs Éternels. L’air toujours en mouvement charrie des
effluves de désert et de mer, et transporte une fine poussière couleur kaki qui finit par imprégner chaque wax. Son sifflement lancinant ne s’arrête jamais, au point d’interdire toute conversation dans la rue. Le Manuel de la Rose des Sables raconte que si le vent devait cesser un jour de souffler, les murs de toutes les villes d’Annan s’effondreraient.
En Annan, au jour de la première pluie de printemps, l’enfant qui va avoir dix ans dans l’année tire au hasard une pierre d’argent hors d’un sac de toile.
Sur cette pierre est gravé son devenir d’adulte. Le sort désigne aussi bien son futur métier, l’identité de son compagnon ou de sa compagne, le nombre de ses enfants que la date de sa mort. Certains destins sont heureux et doux, d’autres d’une effrayante banalité, quelques-uns enfin tumultueux et sanglants. Mais aussi
terribles soient-ils, tous les citoyens d’Annan s’y conforment à la lettre,
sans amertume ni révolte.
Nous avons fait part à notre guide de notre étonnement. Il a souri.
— Subir le plus tragique des destins n’est rien, si l’on se sait innocent de son propre malheur.