Accueil • L’oulipien de l’année • Diomira, une ville invisible •
Alexandrin blanc
— Trois jours à dos de chameau, c’est harassant non ?
— Tu n’y es pas du tout ! Pas de chameau ni d’éléphant, on voyage en
4x4, en quelques heures on est rendu, c’est simple mais monotone.
— Et le vent ? Toujours ce vent violent, chargé de poussière rouge qui
vous corne aux oreilles ?
— Non plus ! Pas de vent, il fait tiède et humide, on colle, on est moite.
— Bon, la ville, tu l’as vue, éblouissante, il paraît ?
— La ville est fastueuse, on ne peut pas dire le contraire : coupoles
d’argent, palais de cristal, jaspe à tous les étages, on connaît tous
ça. Mais moi, je rêvais de prendre un bain, quelque chose d’oriental, de
byzantin, dans une baignoire de porphyre rouge où
L’aromate et la rosée
Se mêlent à l’eau du bain
Que le voyageur blasé
Fait préparer par un larbin.
— Ouais, tu fais des poèmes maintenant !
— Hmm…
— Donc la ville, rien de spécial ?
— Si, en septembre, quand les jours raccourcissent…
— Tu ne vas pas me dire que les enfants de dix ans, ou les enfants de
douze ans, tirent leur horoscope !
— Mais non, c’est quelque chose de bizarre aussi, mais c’est sentimental.
Le soir, dans les rues commerçantes les lampions multicolores s’allument
tous en même temps, une femme crie du haut d’une terrasse « Sais tu
l’art d’évoquer les minutes heureuses ? ».
Eux, ils savent, et on les envie.