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Traverse le temps perdu
... et là, lorsque nous nous promenions en empruntant alentour les chemins creux superbes lorsque la lumière du soir les traverse, il me venait souvent à l’esprit comme si elle s’y imprimait, simultanément au souvenir de peintures anciennes tant aimées, la pensée, certes banale, mais dans ces moments, quasi prouvée par l’expérience, que très souvent nous pouvons éprouver sur cette terre, lorsque tout à coup nous sommes comme saisis par l’admiration, que la vie et l’art s’accordent enfin et que celui qui ressent aussi fort cette idée doit à jamais retenir cet instant d’harmonie totale, nimbé d’efflorescences, imprégné d’odeurs enivrantes, _ qui passe, aveugle à cette magie fixée temporellement, eût-il la raison d’un divertissement la lui rendant imperméable, aussitôt je pense qu’une sorte de désastre corrosif s’est produit dans son être sensible, peut-être qu’une souffrance, de moi inconnue, le possède ? Bienheureuse donc ma disposition particulière qui permet en quelque sorte, dans une profonde chimie intime, un émouvant phénomène comme la coloration même de la mémoire que la beauté accorde en abordant de l’art ses paysages du sublime, sa mirifique rive, comme si venaient modeler la cire de mes impressions des siècles de sculpture, de musique, de littérature et de poésie, me rendant riche à la fois du réel et de son double, comme ainsi nous marchions vers le site adoré magnifié par l’automne, en particulier lorsque nous approchions, dans les cris d’oiseaux, du lent et majestueux fleuve, pour autant que ...