« En partant de là et en allant trois suffocantes journées de chameau vers le levant, passer une frontière est toujours quelque chose d’un peu émouvant : une limite imaginaire, matérialisée par des lampes multicolores qui s’allument toutes ensemble aux portes des friteries suffit pour tout changer : une fleur est une fleur, un nuage est un nuage, c’est le même air toujours en mouvement qui charrie des effluves de désert et de mer, c’est la même fine poussière couleur de rouille qui finit par imprégner chaque vêtement, et le voyageur les connaît déjà pour les avoir vus aussi dans d’autres villes, mais la route n’est plus tout à fait la même, les vers à soie murmurent dans le mûrier, la graphie des panneaux routiers change, l’enfant qui va avoir dix ans dans l’année tire au hasard une pierre d’argent hors d’un sac de toile et demande ce que c’est comme fleur, ces mûres blanches et molles pleines d’un sucre qui ne fait pas d’alcool ne ressemblent plus tout à fait à ce que nous appelions, un instant avant, une orange avec deux cornes, et d’une terrasse le ramoneur crie : hou ! (.) »