Accueil • L’oulipien de l’année • Je regarde le bistrot •
Rahan au bar rouge
Rahan-aux-cheveux-de-feu regardait la source au fond de la grotte, comme éclairée de pierres-soleil.
Le brouillard se dissipait devant ses yeux éblouis, et il avait l’esprit-creux.
Naouna se tenait devant lui.
Il rampa jusqu’à l’eau et s’y désaltéra comme s’il eût avalé le sang-des-fruits qui monte à la tête.
Naouna-aux-beaux-yeux buvait, elle aussi, leurs lèvres sèches s’humectaient.
Leurs esprits se rencontraient, ils entrevoyaient le Fleuve-sans-fin devant eux.
Un boit-assis peureux fila sans demander son reste, et celui-qui-marche-debout-derrière-son-bar leur fit un geste d’offrande que Cheveux-de-feu déclina.
Il buvait aux yeux d’eau claire de Naouna au beau visage, et son esprit voyageait jusqu’au grand Désert-d’eau où il nagerait sans fin avec elle dans les Vagues-qui-roulent-l’écume-bruyante.
Et tous deux sentaient que la vie continuerait indéfiniment pendant les âges farouches.
Extrait de l’album à paraître en 2016, Rahan au bar rouge.