Abipone est un héroïne du collage. Pour imaginer son travail, dresser la liste des opérations transformant les images dessinées, gravées, puis imprimées dans des magasins illustrés. Arracher les pages dans une humeur à n’épargner aucun sacrilège, découper les gravures une à une et les déposer dans des boîtes où elles reposent pendant un temps indéterminé, au cours duquel il faut les regarder régulièrement pour accélérer l’évaporation du réel, et tirer ensuite les fils disparates des oppositions et correspondances qui sautent aux yeux en les découpant très finement dans une lumière très claire dans laquelle les mains opèrent pour en tirer les fragments d’images de qualité supérieure, réunir plusieurs de ces fragments pour obtenir un premier rapprochement, choisir parmi ces fragments pour esquisser un tableau, déposer la colle et presser pour réaliser l’assemblage définitif.

Un travail extrêmement précis qui s’est transformé de passe-temps pour jours pluvieux en une forme de création artistique. Avec la bonne odeur de la colle, le plaisir de découper et de transformer des chrysalides en compositions, le contact du papier, le contentement de découvrir l’image encore jamais vue, dans l’air de l’atelier dont les fenêtres sont fermées pour la protéger des courants d’air. Une joie d’enfant.

Réécriture inspirée de l’art d’Abipone Lules, alias Hérode Neth-Omphale, héroïne oubliée du collage au XIXe siècle... par chance redécouverte tout récemment.