Accueil • L’oulipien de l’année • C’est un soir de vent •
Marguerite sans rouet
Qui apparaît derrière la baie vitrée d’un vieux balcon doré, par un soir de vent, de tonnerre et de pluie ? C’est la blonde Marguerite, elle a délaissé son rouet grippé par les infiltrations de la pluie à travers le cadre de sa fenêtre. Elle soupire :« Que l’air est étouffant,J’ai peur comme une enfant. »Faust ne vient pas, mais fils tôt des lettres, il écrit sans doute quelque part un long poème d’amour à sa bien-aimée. Pour fuir son ennui, Marguerite écrit un palindrome :S’il te sirote, véto ! Ris et lis !Et cela ne l’amuse guère, sa chair est triste car elle a lu tous ses livres !Pas un seul petit morceauQui touche ou de vers mi-sots,Irait-elle crier famineChez Malfournie sa voisine,La priant de lui donnerQuelque bande dessinée ?Mais un brusque coup de tonnerre change la pluie persistante en pluie d’orage : « Je n’irai pas, dit-elle, me faire fouetter les frondaisons dans les gris du soir » Elle entend alors les coups de bélier assénés par le vent, accablée elle chantonne :« Les sanglots longsDes étalonsQui m’étonnentBlessent mon cœurD’une langueurPetit’ nonne ! »Et les éclats de rire du vent étouffèrent cet improvisé folksong du soir.Mary Hattews, « Sainte Marguerite »