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Marathon man à Londres
La course avait commencé au petit jour, soleil tout juste levé au-dessus de la brume. La Tamise brillait, éblouissante, et forçait Ian à baisser la tête, incertain sur la stratégie de départ : rester en groupe, ou se détacher tout de suite ? Il regardait autour de lui, la bouche déjà sèche et la langue pâteuse, il aurait été incapable de prononcer un seul mot dès le deuxième kilomètre.
Peu à peu, de chaque côté du parcours, les encouragements assourdissants de la foule, le bruit de la rivière, les regards en coin des concurrents, tout lui donnait le sentiment qu’il pouvait gagner : là, devant lui, il voyait déjà la ligne d’arrivée, au milieu d’une mer d’officiels qui lui remettraient la médaille. Un voisin d’échappée venait d’abandonner, économisant son souffle peut-être avant de revenir au sprint ?
Au bord de la route, derrière une sorte de comptoir sommaire, un bénévole lui jeta un regard bienveillant et lui proposa eau pure ou boisson énergétique, mais il refusa : l’heure n’était pas à se désaltérer, il avait maintenant son rythme de croisière et jetait des coups d’œil à son dernier voisin de foulée, un dossard bleu, guettant la faiblesse, examinant son visage aux traits tirés. Ce serait bon, cette fois : en nage, il démarra son sprint et se jeta sur le ruban de l’arrivée.
Extrait de L’Équipe, 2014.