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Les vers à laine
le broc. Parfois, il se tait derrière les bombyx qui volent.
Ivar Ch’Vavar, Hölderlin au mirador, chant 25
Les vers à laine du Nord bavardent dans le mûrier. Ils
ne mangent pas ces mûres molles et blanches, ou plutôt grisâtres,
pleines d’un sucre ne donnant pas d’eau-de-vie de genièvre.
Les vers à laine du Nord — qui sont patients et souillés —
mastiquent les feuilles avec un bruit mouillé, comme s’ils chiquaient.
Ça les endort, mais, autour de leurs épaules, ils se bâ-
tissent un coron / non ! / un cocon rond aux deux pôles. Ils
en bavent, puis dorment épuisés. On le met à bouillir et
en le dévidant des ouvrières surexploitées tirent un fil de laine,
dont elles font, pour la belle maîtresse du patron, une robe,
chaude également, qu’elle porte élégamment, à la foire de Lille.
Quand la maîtresse meurt, on doit enterrer la laine en catimini
avec elle, et on plante, sur le terril, à la Sainte-Barbe,
un mûrier où, sans s’arrêter, les vers à laine bavardent.
Jacques Roubaud & Alain Ch’Vriar.