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Les très chers vers
Ça faisait deux petites secondes
qu’i’ s’connaissaient.
À peine sortis de leur cocon,
ils y allaient. .
Envoye par là, le bombycol
est efficace en ti-péché
Pas de ci, pas de ça, allez on se colle
On n’est pas là pour hésiter.
On pond des oeufs, qui s’appellent graines,
qui passent des mois
à attendre que l’hiver prenne
fin, bon débarras !
C’est l’temps de manger, c’est l’temps d’bouffer
c’pas un secret, c’pas un mystère
Amenez-en d’la feuille de mûrier
pour qu’on devienne... de très gros vers.
De très gros vers après quat’ mues
qui s’encoconnent
Un tas de beaux gros vers
aussi tranquilles que dodus
Qu’on fera bouillir pour leur ficelle
de soie. Pourvu qu’on en fasse
la plus belle robe pour la plus belle
et qui la portera rien qu’en masse.
Et ce sera une soudaine volte-face
quand les rires se changeront en grimaces.
Ils ont vu sa vie s’étioler
devant leurs yeux épouvantés,
l’ont entendue leur demander
avec sa robe de l’enterrer
sous un mûrier...
Ça fait déjà deux, non, trois mois
qu’on l’inhumait.
Fallait voir ça le beau p’tit mât
qu’on lui plantait :
avec des feuilles, un vrai mûrier.
Et qu’entend-on bruisser dans l’air ?
Allez-y donc, imaginez.
Vous ne rêvez pas... les très chers vers.