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Les sons des maliettes
Les sons des maliettes, pensa Jacquemort. Qui pourrait les entendre ? Qui saurait décrypter leurs chants ? Il faudrait toute une armada d’enregistreurs, avec des micros invisibles capables de saisir des tonalités jamais entendues même par nos meilleurs compositeurs. Maliettes, maliettes, que n’écoute-t-on pas vos gazouillis, vos pépiements, vos roulades du soir ! Mais la puissance délétère de vos chant conduisit certains au suicide : leur prêter une oreille, soit ! Mais attaché à un arbre pour ne pas sombrer dans la mélancolie abyssale d’une angoisse absolue ! Maliettes aux complaintes couleur de suie, d’un dodécaphonisme rouge sous l’œil de lune d’une harpe désaccordée, aux piailleries orchestrales indémêlables ! Maliettes qui entonnez un piano solo dès qu’on pose sur vos plumes impalpables le doigt le plus léger, qui trompetez comme une percussion pour la moindre cause, lorsqu’on vous écoute trop longtemps, lorsqu’on s’esclaffe en vous entendant, lorsqu’on vous suggère que votre do est faux, lorsqu’on prélève un motif, lorsque la nuit se fait entendre, lorsque le soir tombe comme un final qui perdure. Maliettes subtiles et tendres dont le cœur occupe une subtile écoute intérieure, quand les autres bêtes exposent de banales oreilles.