Accueil • L’oulipien de l’année • Retour de Babel •
Le petit chaperon rouge hors les murs
Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir. Sa mère en était folle et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge qui lui seyait si bien que partout on l’appelait le petit chaperon rouge.
Un jour, sa mère ayant cuit et fait des galettes, lui dit : va voir comme se porte ta mère-grand (...). Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. Le petit chaperon rouge partit ausitôt (...).
En passant dans un bois elle rencontra compère le loup qui (..) lui demanda où elle allait.(...).
Je m’en vais par ce chemin-ci et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera.
Or passer un bois est toujours quelque chose d’un peu émouvant : une limite imaginaire, matérialisée par une barrière, suffit pour tout changer et jusqu’au paysage même : c’est le même air, la même terre, mais la route n’est plus tout à fait la même. Le loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille s’en alla... noisettes, papillons, bouquets... or la graphie des panneaux avait changé, les bucherons ne ressemblaient plus tout à fait à ce que nous appelions un instant avant bucheron, les fleurs n’avaient plus la même forme. Le petit chaperon rouge se trompa de direction, bifurqua deux fois par erreur, et se retrouva dans une bien grand’ ville, au delà des frontières du village, de celles de la province, peut-être même du pays et de la planète.
Le loup, ayant dévoré la grand-mère, l’attendit, en vain, à Babel, village d’icelle.
Moralité : passer une bordure de galaxie est toujours quelque chose d’un peu émouvant, surtout les frontières entre l’imaginaire et le réel.
Chantal Perecoperraubillard