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La pauvre Charité de Giotto
La pauvre Charité de Giotto, comme l’appelait Swann, chargée par Françoise de les "plumer", les avait près d’elle dans une corbeille, son air était douloureux, comme si elle ressentait tous les malheurs de la Chrétienté, et le linge blanc de la corbeille semblait destiné à quelque phylactère sibyllin, soulage la terre, celle qui plume promet salut et dîner. Les légères couronnes d’azur qui ceignaient les asperges au-dessus de leurs tuniques de rose étaient finement dessinées, étoile par étoile, comme le sont dans la fresque les fleurs bandées autour du front ou piquées dans la corbeille de la Vertu de Padoue. Et cependant, Françoise tournait à la broche un de ces poulets, traversé du fer, comme elle seule savait rôtir ; le fumet et l’effluve, qui avaient porté loin dans Combray l’odeur de ses mérites, pendant qu’elle nous les servait à table, faisaient prédominer la douceur dans ma conception spéciale de son caractère, l’arôme de cette chair qu’elle savait rendre si onctueuse et si tendre n’étant pour moi que le propre parfum d’une de ses vertus.