Accueil • L’oulipien de l’année • La Peinture à Dora •
L’art atroce
Souvent, pour résister, les hommes mis en cageDans les camps des Nazis, des Soviets ou des KhmersÉvoquent un repas, une femme, un voyage,Qu’ils racontent du fond de leurs gouffres amers.Tel qui fut comédien se revoit sur les planches,Jadis paré d’azur, à présent si piteux.D’autres, apercevant des bouts de toiles blanches,Croient surprendre un tableau qui traîne à côté d’eux.Ces artistes zélés dont la mémoire seuleVoit des fragments de beau dans l’empire du laid,Une fleur de Monet, de Rembrandt une gueule,Les arrache un instant au désespoir complet.Le Lionnais est semblable à ces âmes damnées ;Au cœur de la tempête il trouve où s’accrocher.Exilé au milieu des hordes condamnées,Son savoir de géant l’empêche de flancher.
Par Nicolas Graner
D’après L’Albatros de Charles Baudelaire, avec conservation des rimes.