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El Capitan c’est tentant et c’est épatant
C’est long, selon Salon, mais c’est tentant, El Capitan. Et c’est si excitant ! C’est épatant, El Capitan… ! C’est pas tant l’appétit des pentes ou des petits pas, par pitons plantés en pleine paroi. Non ! El Capitan, c’est presque poli partout… Pas la place de piqueter pitons et mousquetons…
Pas d’aspérité !
Un immense massif de granit gris, un grand monument ! Nu, lisse comme du ciment, sans fissure et si dense, sans dents de scie, sans accident…
Dans cet univers vertical, on tergiverse… On va vers la voie de traverse du versant sud. On s’assure au vent venu du vallon… On progresse en avant, à revers, en devers, on se retrouve à l’envers… On éprouve le vertige… Mais on en veut ! Sans se vanter… On veut se prouver qu’on va y arriver !
Là où pas un trait, pas une trace, pas un trou, ne transperce l’apparence plate de ce torse glacé, ce bouclier glabre comme un globe, foin du ferraillage, enfoncé en force dans les fentes, les fissures, les scissures qui façonnent une via ferrata et en facilitent le franchissement… Il faut faire confiance aux forces phénoménale qui enferment, agrègent, agglutinent, agglomèrent les grains de roche en cristaux de granit.
On prend un crochet acéré, à peine une petite épine, une pointe ténue. On caresse, on fouille, on effleure la surface fine et on finit par faire affleurer, de façon furtive et fugace, une faille infime, une saillie quasi indiscernable du socle, où on insère, on insinue doucement, on engage légèrement, la fine forme aciculaire en fer forgé : ancrage du grêle crochet à la géométrie gracile.
Ce qui fera la force ou la faiblesse du fragile équipage sous la charge, est affaire de finesse, de légèreté et de gestes subtils.
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Déjà, on s’imagine ingurgitant un glass de gin en regardant le joli jeu de jambes de jeunes girls qui gigotent au déjeuner, chez un gargotier gringo !