Les livres que je n’ai pas écrits, n’allez surtout pas y voir un amalgame de pur néant : votre bravo de lecteur potentiel leur est promis. Un entendement avisé devrait cibler au contraire (que cela une bonne fois soit dit) un azur où mes livres sont, comme par magie de grigri, en suspension dans la littérature universelle. Ils existent déjà dans les bibliothèques, par mots isolés, par groupes de dix mots, par phrases qui chantent et dansent dans toutes les traditions de la terre : là-bas le souffle inuit, ici le pas d’une kermesse flamande, etc. Mais il y a autour d’eux tant de remplissage kitsch, ils sont pris dans une telle surabondance de matière imprimée ou d’oralité vaine, que moi-même à vrai dire, malgré mes efforts, n’ai pas encore réussi à les isoler, à les assembler, à en extraire quelque sérendipité engluée. Le monde en fait me paraît rempli de plagiaires, ce qui fait de mon travail une longue traque wiki, la recherche de tous ces menus fragments inexplicablement dérobés à mes livres futurs... et à ma zénitude présente !