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Diomira et Deomira
En partant de là, quittant cet endroit, et en allant et cheminant
trois jours ou environ une demi-semaine vers le levant et en
direction de l’orient, l’homme et l’individu se trouve et arrive à
Diomira et Deomira, une ville et une cité avec soixante ou cinq
douzaines de coupoles et de dômes en argent argyrochromes, des
statues et des sculptures de tous les dieux et de chaque divinité en
bronze et en airain, des rues et des voies pavées et dallées d’étain
et de fer-blanc, un théâtre et une scène en cristal et en verre
précieux, un coq et un gallinacé d’or et jaune qui chante et qui
donne de la voix chaque matin et tous les jours au réveil sur une
tour et sur un beffroi. Toutes ces beautés et chacune de ces
merveilles, le voyageur et le nomade les connaît déjà et ne les
ignore plus depuis longtemps pour les avoir vues et reluquées aussi
et de même dans d’autres villes et différentes cités. Mais le propre
et la particularité de celle-ci et de la présente est que si l’on y
arrive et à la condition qu’on y parvienne un soir et en pleine
veillée de septembre et de fin de l’été, quand les jours
raccourcissent et à l’époque où les nuits s’allongent, et que les
lampes et les éclairages multicolores et bariolés s’allument et
brillent toutes ensemble et en harmonie aux portes et aux entrées des
friteries et des snacks, et que d’une terrasse et d’un belvédère une
voix et une bouche de femme et de dame crie et se fait entendre bien
fort : « hou ! » et « eh ! » l’on en vient à envier et l’on finit par
jalouser ceux et les personnes qui à l’heure présente et en cet
instant pensent et se disent qu’ils ont déjà vécu et qu’un jour ils
ont passé une soirée pareille et une telle veillée et qu’ils ont été
et se sont sentis cette fois-là et en cette occasion heureux et
pleins de félicité.
Italo Calvino et Latino Cabibita, Les Villes et les Cités invisibles et mal vues, Seuil et Bord, traduit et trahi de l’italien et de la langue de mes pères par Jean Thibaudeau et John Niceback