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Comment on se fait mettre à la porte
C’est un Lillois qui aime les jeux de hasard, le Loto, le PMU… Aussi le voit-on souvent hanter les abords de la Porte de Paris où, quand il a perdu, éperdu, il parvient à s’insinuer subrepticement par un renfoncement intérieur dont l’existence est connue de très peu de monde. Il en ouvre l’issue secrète qui, selon certains rapports, a pu permettre à de malheureux fugitifs d’échapper à la déportation.
Il descend à grand peine un escalier visqueux et nauséabond tapissé de lichens verdâtres puis se trouve face à une autre entrée ténébreuse, dont le bois est couvert d’insectes grouillants, araignées, scolopendres et clo… portes. Unissant toutes ses forces, il parvient à l’ouvrir, c’est en croyant se blesser sans succès ; porte-à-faux !
L’illusion l’égare, mais il finit par accéder à une galerie où l’aspire avec véhémence une sorte de mère porteuse, souffle d’une extrême violence, tsunami qui l’emmène il ne sait où : il finit par se heurter à la Porte de l’Enfer, gardée par Cerbère, qu’ils franchissent grâce à la Sibylle et son rameau d’or. Et c’est alors le Styx, l’Achéron, les supplices et cris des damnés, Tantale, Sisyphe, certains chefs d’établissement, des directeurs des Ressources Humaines, Marine Le Pen, le juge d’Outreau, sans oublier les mangeurs de sans-papiers qui dévorent la tapisserie de leurs cages, les responsables de sociétés de surendettement étouffés dans leurs mises en demeure derrière leurs barreaux par le pinceau de Hieronymus Bosch.
Puis tumulte et cris s’apaisent, notre Lillois se trouve reconduit devant la porte d’ivoire, par laquelle se dissipent les songes. Gravissant je ne sais combien de marches de calcaire, il se heurte à un vieil huis de bois qu’il brise en tentant de l’ouvrir : c’est l’entrée des Catacombes. Il est tant épuisé que, sous les haillons qu’il porte, il n’a plus que la peau sur les os – ce qui ne manque pas par ailleurs. S’appuyant sur un solide fémur, il se transporte jusqu’à Denfert,et, après un détour conseillé par Glacière, parvient Porte de Clignancourt, descend Gare du Nord pour Lille-Flandres.
De là, par une porte dérobée de la Porte de Roubaix, il emprunte son antique souterrain qui mène à la Porte de Paris. Paris perdu ! Il est ruiné : il a perdu son emploi – bien rétribué, « juteux » si j’ose dire, de portier au Carlton. Il s’en va furieux ; il prend la porte et, pour subsister, il fait du porte-à-porte.