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Cantique de Frère le Ver
Messire frère le ver murmure ses patenôtres dans le mûrier.
Il ne mange pas ma sœur la mûre, blanche et molle,
Pleine d’un sucre qui ne fait pas de boisson enivrante.
Messire frère le ver, qui est patient et douillet,
Mastique les feuilles avec un bruit mouillé,
Ce qui l’endort, mais autour de ses frêles épaules,
Il se tisse une tapisserie ronde aux deux bouts
Avec le fil de sa sainte bave, puis dort rassuré.
En la dévidant, ô miracle ! on tire un fil de bure
Dont on fait pour une mère supérieure une aube
De qualité supérieure également, qu’elle porte avec modestie.
Quand la soeur meurt on enterre la bure
Avec elle et on plante, sur sa tombe, en octobre, à Assise,
Un mûrier où sans fin messire frère le ver murmure ses patenôtres.
Fra Giaccomo [Frère Jacques], Fioretti de saint François, trad. Alain
Chevrier.