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Besoin d’être ou ne pas être
Tragédie en quatre actes
PERSONNAGES :
Le prof de philo
Chœur de manifestants
Antoine Deuvre, lycéen
Le chef des casseurs
Le barman
Le client ivre
Vanessa, lycéenne
Martine, lycéenne
Figurants (lycéens, casseurs, CRS)
ACTE I
(La salle de classe de philo, dans un lycée de banlieue. Côté jardin, une fenêtre donne sur la rue.)
SCÈNE UN
(Le prof écrit au tableau « L’existence précède-t-elle l’essence ? » puis se retourne pour parler à la classe.)
LE PROF DE PHILO
Le vélo « est ».
ACTE II
(Dans la rue, sous les fenêtres de la salle de philo)
SCÈNE UN
DES MANIFESTANTS
L’école ? Du vent !
(Saisissant cette occasion qu’ils lui donnent, d’illustrer son propos, le prof de philo ouvre sa fenêtre et s’adresse à un groupe de manifestants à bicyclette.)
LE PROF DE PHILO
On compte deux sortes de vents, cyclistes ! Le vent objectif et le vent relatif. Le premier « est » (celui que fabrique la mécanique du monde), et le second est l’œuvre du cycliste.
ACTE III
SCÈNE UN
(Dans la salle de classe. L’élève ANTOINE DEUVRE, ne prêtant aucune attention à ce que dit le prof, observe la manifestation par la fenêtre tout en bavardant avec son voisin. On aperçoit au dehors un CRS isolé et quelqu’un qui semble en être le chef, dissimulé un peu à l’écart.)
ANTOINE DEUVRE
Tout seul, son chef !
LE PROF DE PHILO
(s’apercevant que Deuvre ne suit pas)
Deuvre ! Pourrait-on dire : « Car plus il est rapide, plus le cycliste fabrique… »
(On n’entend pas la fin de sa question, couverte par les bruits de manifestation qui reprennent de plus belle dans les coulisses.)
LES MANIFESTANTS
(en coulisse)
Du vent !
LE PROF DE PHILO
(essayant de retrouver le fil de sa pensée)
Le vent du monde « est ». Celui…
SCÈNE DEUX
(Le prof de philo est brusquement interrompu de nouveau par un groupe de casseurs qui font irruption dans la salle, masqués et armés de gourdins, avec à leur tête un individu brandissant une kalachnikov et portant un masque de Louis de Funès.)
LE PROF DE PHILO
(interloqué)
Qui nous vient de… ?
LE CHEF DES CASSEURS
(pointant sa kalachnikov sur le prof)
Face contre…
LE PROF DE PHILO
(l’interrompant pour jouer celui à qui on ne la fait pas)
Lui, je connais !
(Les casseurs décident de quitter la salle après avoir ajouté le mot "INTERDIT" à la suite de la phrase du tableau. Noir progressif tandis qu’on entend en coulisses les manifestants scandant des slogans qui se confondent dans le lointain.)
LES MANIFESTANTS
(…) pas d’autres remèdes ! (…)
(…) que l’amitié ! (…)
(…) et la solidarité !
ACTE IV
(Au Café des Sports. Comptoir au fond. Un barman s’affaire en écoutant la radio. Un client passablement éméché est accoudé au comptoir. À une table, côté cour, deux lycéennes, VANESSA et MARTINE, discutent.)
SCÈNE UN
VANESSA
(à Martine)
Le jour ? Où ?
LE BARMAN
(s’apprêtant à faire des cafés)
Vous prenez un grand ?
(on entend le bulletin météo à la radio :)
(…) vent du nord bien installé (…)
MARTINE
(à Vanessa)
Dans la pipe, rien ne vaut un camarade !
(le bulletin météo poursuit :)
(…) au large (…)
(Le barman apporte des cafés aux jeunes filles. Vanessa semble déçue que ce ne soit pas le grand et beau serveur habituel.)
VANESSA
(au serveur)
Et Paul ? Vous, vous faites « petit-derrière » ! Lui, ...
(se tournant vers l’ivrogne au comptoir, qui n’arrête pas de lui lancer des œillades lubriques)
Et vous, attendez que ça passe !
LE CLIENT IVRE
(feignant de ne pas avoir compris)
Plus précisément ?
SCÈNE DEUX
(Le chef des casseurs fait une entrée bruyante dans le bar, suivi de son groupe. Gesticulant et vociférant, il tourne rapidement sur lui-même pour distribuer des ordres à trois ou quatre de ses acolytes en même temps. Ce faisant, il se confond de plus en plus avec le personnage dont il porte le masque.)
LE CHEF DES CASSEURS
Vous, attendez !
Qu’il s’écarte !
Pour vous : cédez le relais !
Et allez ! Au charbon !
À votre tour !
RIDEAU