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Archéo Annan
L’été dernier une équipe d’archéologues de l’Académie des sciences d’Ulan Bator a effectué des fouilles dans la partie nord du désert de Taklam’Annan, piémont de la chaîne des Tian Chian. Des voyageurs avaient depuis une décennie environ signalé des dunes de forme insolite, mais l’instabilité politique qui sévit dans la région avait jusqu’alors interdit toute prospection prolongée.
Les fouilleurs ont mis à jour les restes d’une cité construite en pierres sèches, non appareillées. Selon les premiers résultats des fouilles, l’ensemble du bâti était disposé sans ordre à l’intérieur d’une muraille vaguement ellipsoïdale. Les bâtiments, recouverts en quelques points d’un enduit d’origine organique, semblent modestes et monotones, aucun ne se distingue ni par la taille, ni par la complexité du plan. Des prochaines fouilles viendront peut être corriger cette impression.
De nombreux corps ont été découverts, naturellement momifiés par le vent qui les a très rapidement desséchés après décès. Ces corps sont recouverts d’une fine couche d’ocre. S’agit-il d’un rite funéraire, bien attesté par ailleurs dans certaines cultures dès la préhistoire ? Ou bien, comme le pense le Professeur Cosmin Narodu qui dirige les fouilles, la poussière d’ocre a - t - elle été déposée par le vent, du vivant même des individus au point de former comme une seconde peau. En effet ce rite -si rite il y a- concerne aussi bien les corps qui ont été ensevelis que ceux qui ont été abandonnés sans sépulture. Une étude de paléoclimatologie est menée dans les laboratoires de l’université de Halle pour vérifier cette hypothèse.
Comme mobilier, outre quelques éléments de cuir et de feutre sans décor, les archéologues ont collecté des tablettes d’argent inscrites. L’écriture - qui est en cours de déchiffrement - s’apparente à l’écriture des inscriptions oraculaires sur os de la fin de la dynastie Shang (XI° et X° siècles), ce qui pourrait fournir un premier élément de datation. Les tablettes sont trop dispersées sur le site pour provenir d’archives publiques, il s’agirait plutôt de documents privés. Les épigraphistes de l’équipe pensent à des tablettes divinatoires ou à des talismans. Plus que l’écriture, le métal : son origine, son acheminement, son travail, pose aux chercheurs des questions pour lesquelles ils ne disposent encore d’aucun d’élément de réponse.
Dernière énigme, la disparition de cette cité : aucune trace de conflit interne ou d’agression n’a été reconnue, la cité a vécu en paix. Si les conditions de vie y sont très dures, extrêmes même, la zone n’est sujette à aucune catastrophe naturelle telle qu’inondation ou tremblement de terre. La cité semble s’être effacée brutalement mais sans violence, laissant un tas de ruines que le vent a peu à peu dissimulées.
Ainsi la fouille a ouvert plus de questions qu’elle n’en a résolu, du moins confirme - t - elle que, sans éclat, de manière indépendante, des cultures ont pu se développer à la périphérie des grands centres. De nombreuses découvertes attendent encore les chercheurs, sur ce site et probablement sur d’autres sites à proximité, justifiant une nouvelle campagne de fouilles si les conditions politiques le permettent l’été prochain.
SC. Dans La revue des tells, n°46, décembre 2005