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Annanxandrins
Nous partîmes, routards ivres de randonnées
À dos de méharis : suffocantes journées
Jusqu’au pays d’Annan et des Vents Éternels.
Toujours en mouvement, l’air, qui souffle les sels
D’effluves de désert et de mer, y barbouille
D’une fine poussière aux coloris de rouille
Les plus secrets replis de chaque vêtement.
Jamais ne s’interrompt l’accablant sifflement
Et la rue interdit qu’on s’y conte des fables.
Selon le Manuel de la Rose des Sables,
Si le vent lancinant se figeait en arrêt,
Sur Annan chaque mur sitôt s’effondrerait.
Qu’arrive le printemps et la première pluie,
Quiconque aura dix ans sait son enfance enfuie,
Et tire par hasard hors d’un sac ce butin :
Une pierre d’argent qui forge son destin.
Sur la pierre est gravé son devenir d’adulte.
Le sort désigne tout, il n’est rien qu’il occulte,
Quel sera son métier, s’il vivra seul ou pas,
Le nom de ses enfants, l’heure de son trépas.
Certains fatums heureux verront la vie en rose,
D’autres inspireront l’effroi d’un cours morose,
Quelques-uns charrieront le tumulte et le sang...
Mais au hasard terrible, on prêtera le flanc.
Cette pierre d’argent, qu’encor gamin récolte
Le citoyen d’Annan, ne suscite révolte,
Pas plus que d’amertume, ou de plainte, ou de pleur ?
« Il se sait innocent de son propre malheur,
Répondit notre guide au sourire si grave.
Le vent effacera ce que le destin grave. »