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À supposer le parfum fraise
À supposer qu’on me demande d’être capitaine lors d’une situation délicate de déclaration de guerre avec l’option château assiégé comprise, j’indiquerais d’abord mon attachement à une procédure de désignation ou de nomination juste et égalitaire, car il serait hors de question qu’il n’en soit pas ainsi au cas hélas fort probable où je n’aurais pas pu me nommer moi-même en toute indépendance autocratique, après quoi je préciserais que mon équipe serait déjà constituée avec un certain Simon, ami proche, qui serait mon second et j’insisterais sur la nécessaire confidentialité de cette information, le principal intéressé n’étant pas au courant au moment où je vous réponds, d’autant qu’il vise semble-t-il un poste un peu plus haut sur lequel projeter son ambition, ce qui en fait à la fois mon ami, certes, mais néanmoins mon concurrent, un détail, brisons là, car nous aurions un plan pour repousser l’ennemi, que nous n’aurions pas besoin, par pur pragmatisme et dévouement croyez-le bien, d’identifier plus précisément au-delà de son caractère malveillant, sanguinaire et -forcément- belliqueux, tout au plus de l’assimiler à une horde d’assaillants bas du front dont le nombre – courage insigne de notre part- nous importerait peu, puisqu’entre autres qualités, nous serions experts en tir à la catapulte, manipulée depuis notre plus tendre enfance avec un taux d’accident qui frise le ridicule dans nos propres rangs et une marge d’erreur négligeable du côté des cibles quand l’adversaire est déployé en masse, car, petit bonus, nous serions également héroïques, prêts à nous relever et repartir au combat, chargeant à l’épée, à la seule condition que la blessure soit plutôt légère que mortelle mais sait-on jamais -on est parfois galvanisé par une énergie insoupçonnée- et cela ne manquerait pas de décourager l’ennemi surpris et ainsi renvoyé dans ses vingt-deux mètres, à cela je rajouterais que les dragons mutants, je vous le dis clairement, on les attendrait, car des superpouvoirs que je ne peux -merci de votre compréhension, dévoiler ici, ou alors en crypté- me permettraient de mâchicoulis en mâchicoulis une neutralisation qui de près comme de loin ressemblerait fort à une guerre propre que, me semble-t-il, vous appelez de vos vœux, ce qui nous rendrait le contrôle des opérations et nous autoriserait, après un tel triomphe, à accueillir sobrement et dignement, avec le sens du devoir accompli, les acclamations idolâtres de la foule libérée du joug insupportable et intrusif de l’assiégeant, ceci juste avant la pause – dont il faudrait que nous parlions – car nous aurions quelques désidérata très précis sur les rations de Chocoprinces, il ne vous aura pas échappé que c’est bon pour le moral des troupes, et je pourrais vous renseigner au mieux sur le parfum fraise.