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Les vers d’Annan

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Les vers a soie murmurent dans le mûrier.
Ils ne mangent pas ces mûres blanches et molles.
Ils visitent en pensée la vallée d’Annan, ruminant tous leur destin lamentable. Troncs touffus ! Que mâchouiller là bas, en Annan où rien ne pousse ? Ils rêvent qu’une belle dame va mourir et gravent son destin dans la feuille qui se pétrifie et se couvre d’une bave argentée.
Vêtue d’une grande jupe que la poussière aura rouillée, la jolie dame aux yeux sucrés d’innocence sera ensevelie en Annan, mais pour le moment elle n’a que dix ans. Additionnons : plus que vingt à vivre, apprend-elle en lisant sa pierre. Malheureuse ! Sort pitoyable, en effet. Jamais d’enfants... mort trop précoce, surtout. Un accident frustrant, dû à un dada. Nos vers tristes remâchent leur nanan et la mémoire des jours anciens, tissant fil a fil des histoires, des textes, des fontes. Pas d’alcool en Annan, ni de drogues ; non, non, rien que désert vent et poussière. On fait des efforts, tant d’efforts sourds ! On s y perd, suant, on y perd sa mémoire, jusqu’à sa soie, à ses lettres, songe cet animal fin tissant. Où est son identité ? Adieu, initiale chérie, défunte et désuète, signe fait d’un duo de foins dessinés en angle, tu te détachas à ton tour...
Un torturé détendu s’endort dort... dort... dort... rrr... rrr... rrr....

Texte écrit avec les 999 mêmes lettres que le texte de Le Tellier, en mélangeant
son histoire avec celle des vers à soie de Roubaud et de l’an dernier.