Accueil L’oulipien de l’année Crochet à goutte d’eau
Zazie dans le crochet

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Olivier : Le granit est compact.
Zazie : Ah, ah !
Olivier : Lisse.
Zazie : Ah, ah !
Olivier : Superbe.
Zazie : Superbe mon cul. En tous cas, moi, rien à faire pour que
je bouffe cette saloperie.
Olivier : Parfois, pas la moindre fissure pour le barrer.
Zazie : Jveux ottchose.
Olivier : Pas le moindre trou pour lui dessiner un œil.
Zazie : C’est pas si haut que ça.
Olivier : Pas la moindre arête pour l’échancrer.
Zazie : Vous allez pas recommencer.
Olivier : Il bombe le torse.
Zazie : Ça y est, i va se laisser faire.
Olivier : Et la voie s’appelle The Shield, le bouclier.
Zazie : Il s’appelle Trouscaillon !
Olivier : Lorsque les aspérités font défaut et que toute pose de
matériel d’assurage et de progression est impossible,
Zazie : Je vous vois venir avec vos pataugas.
Olivier : Il reste un moyen. Unique. Ultime.
Zazie : Il est rien moche son bahut.
Olivier : La réserve des grands cas.
Zazie : Oh ! Celle-là je la connais, je l’ai lue dans les
Mémoires du général Vermot.
Olivier : Vous prenez un crochet à goutte d’eau.
Zazie : C’est trop sale.
Olivier : C’est un simple crochet de métal, pointu et acéré.
Zazie : Vous auriez ma taille ?
Olivier : Un hameçon à granit.
Zazie : Oui, pourquoi que j’aurais confiance en vous ?
Olivier : Vous le posez sur l’écaille qui saille
Zazie : Vous êtes rien snob.
Olivier : D’un tout petit millimètre.
Zazie : Y a aussi des surplus ?
Olivier : Voilà, il est posé.
Zazie : Posé mon cul
Olivier : À l’extrémité inférieure du crochet, vous suspendez
une petite échelle de corde de trois marches.
Zazie : C’est dégueulasse.
Olivier : Vous respirez.
Zazie : Bonnes fleurs bleues !
Olivier : Vous posez le pied sur la marche inférieure.
Zazie : Faudrait pas charrier
Olivier : Et vous chargez lentement tout le poids de votre corps
sur cette mince margelle.
Zazie : Ça alors , c’est le genre de déconnances qui m’écœurent
particulièrement.
Olivier : Très lentement. Tout geste brusque peut faire déloger
le crochet de sa maigre encoche.
Zazie : Ça va, ça va
Olivier : Progressivement, votre poids se déplace à l’aplomb du
crochet.
Zazie : Ça, on s’en fout
Olivier : Au fur et à mesure, le crochet enfonce sa pointe dans
la roche et se trouve consolidé.
Zazie : Alors on se tire ?
Olivier : Encore plus lentement, vous vous élevez.
Zazie : Minute, de quoi qu’on cause ?
Olivier : Évitez à tout prix de regarder sur quoi vous reposez
entièrement.
Zazie : Tu regardes pas. Penche toi donc, c’est quand même
marrant.
Olivier : L’air vibre.
Zazie : Alors, je serai astronaute.