Accueil L’oulipien de l’année La Peinture à Dora
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C’est surtout le soir que me prend le plus volontiers cette sorte d’illusion. Malheureusement, cette croyance ne dure généralement pas plus de quelques minutes à mon réveil, quelquefois même quelques secondes. En termes de radio-activité, sa « période » est comprise entre celle du Thorium A (0,14 seconde) et du Radium C (3 minutes). Tout devient inintelligible avec rapidité, comme après la métempsychose les pensées d’une existence antérieure, et le sujet du livre que j’étais devenu se détache de moi. Le plus souvent, rendu à ma liberté de m’y appliquer ou non, je me demande quelle heure il peut être et écoute le sifflement des trains. D’autre fois, je me rendors, je me ressouviens de ma vie primitive et je revois découpé au milieu d’indistinctes ténèbres une sorte de pan lumineux, comme si Combray n’avait consisté qu’en deux étages reliés par un mince escalier.

Francel Pronnais, Le coucher à Dora