Accueil L’oulipien de l’année Diomira, une ville invisible
Putain de bled

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Putain de bled ! Trois jours à bouffer de la piste caillouteuse plus crevassée d’entonnoirs qu’un fromage helvète, pour y arriver, à ce patelin de merde. Une vraie ville de curetons, entre parenthèses : au moins soixante églises plus tarabiscotées les unes que les autre, avec des clochers ridicules au toit arrondi, c’est simple : quand t’arrives tu vois que ça !
Et tu peux pas faire un mètre sans donner du pare-choc dans un mannequin de métal, à croire qu’y a plus de sculptures que d’êtres vivants, dans ce patelin à la con. Et je te cause pas du macadam lisse comme un miroir, que faut que tu te cramponnes sérieux au bastingage pour pas te retrouver les quatre fers en l’air tous les deux pas ! Question distractions, par contre, tu repasseras : pas un cinoche, pas un peep-show, pas même un bête bordel de garnison, non juste un théâtre à la con, tout en verre, et de toutes façons bouclé. Circulez on fait relâche ! Le bouquet : tous les matins, pas besoin d’attendre le clairon, t’as un fumier de coq aux plumes jaunes qui te carbonise ton sommeil en braillant du sommet d’un pylône tellement haut que tu peux même pas le dégommer au fusil d’assaut ! Le pitaine, de toutes façons, y dit que c’est pareil que dans tous les autres bleds qu’il a déjà vus, et je peux dire que le pitaine, avec ses vingt ans de baroud, y a pas beaucoup de coins où il a pas trimballé ses rangers. En plus, l’a fallu qu’on s’y pointe juste au début de l’automne, où que t’y vois déjà plus clair à six heures du soir. Heureusement, le pitaine avait fait mettre des lanternes à l’entrée de tous les troquets, en fait d’abominables gargotes puant le graillon et l’huile de vidange recyclée ! Y a une moukère qu’à voulu faire du suif en braillant comme une chouette quand notre convoi est passé sous son balcon, mais le pitaine, la sérénade, ça lui colle des boutons et il se l’est faite à la 12,43 bitube. Ca me fait comme une bizarre impression de déjà vu. Sans doute le climat pourri. En tous cas, demain, on fait péter tout ce bordel et on met les bouts. Je t’en recauserai de Diomira !

2ème classe Gobu

Par Gobu