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La nuit entrelardée

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 La nuit, dit-elle. Oui. Quand nous aurons allumé le feu, il se peut que la nuit, nous ne puissions plus la voir depuis la côte normande. C’est comme le feu. Voir la nuit. Quand il y a le feu, la nuit, il n’y a plus que le feu qui compte. Et puis un camion serait arrivé. Il serait passé lentement à travers le paysage. Le feu, il n’y a plus que le feu qui compte. Une brume aussi, très légère, partout répandue sur les terres, sur la terre. Le feu, c’est un hypnotiseur. Ce soir, l’ambassadrice Anne-Marie Stretter est près du buffet, elle sourit, elle est en noir, sa robe est à double fourreau de tulle noir, elle tend une coupe de champagne. Regardez, le ciel a chassé tous ses nuages pour nous ! Des punaises de cuivre, je le sais et pourtant, Lol ne voudra pas en entendre parler du fond de sa souffrance en arrondi d’ongle soigné, il faudra qu’elle aime, qu’elle aime comme une lune élégante. Il n’en fait que plus frisquet, elle pense à son châle. Oublié, comme tout le reste. Mais on respire, mais on s’aère, c’est les vacances, les vacances d’Ernesto et le camp de vacances où il pourra lire tout son saoul ! C’est vrai qu’il manque la mer, mais le ciel n’est pas mal non plus comme image de l’infinitude. J’ai encore parlé à Yann, je lui ai dit que c’était fini. On ne s’attendait pas à partir en vacances aussi vite, c’est ça que pense Ernesto en regardant les brothers et sisters, et peut-être aussi longtemps. Regardez cette étoile, je la vois, oui. Tu la vois, toi aussi ? Et pourtant elle n’existe plus, son regard luit sous ses paupières très abaissées s’il faut en croire les affaires de vitesse de la lumière.

La nuit entrelardée de Marguerite, par Rudasse.