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La Babel aux fées

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Il était une fois une veuve qui avait deux filles : l’aînée lui ressemblait si fort d’humeur et de visage, que, qui la voyait, voyait la mère. (...) . La cadette (...), était une des plus belles filles qu’on eût su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée, et, en même temps avait une aversion effroyable pour la cadette. (...)

Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât, deux fois le jour, puiser de l’eau à une grande demi-lieue du logis, et qu’elle rapportât plein une grande cruche. Un jour qu’elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui lui pria de lui donner à boire.

Or boire à la fontaine est toujours quelque chose d’un peu émouvant : une limite imaginaire, matérialisée par une margelle [...] suffit pour tout changer, et jusqu’au paysage même : c’est le même air, c’est la même terre, mais la route n’est plus tout à fait la même, la graphie des panneaux routiers change, les fées ne ressemblent plus tout à fait à ce que nous appelions, un instant avant, fée, les cruches n’ont plus la même forme [...].

Je vous donne pour don, poursuivit la fée, qu’à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse.

Moralité : une limite imaginaire suffit pour tout changer, et jusqu’au conte même.

Chantal Perecoperraubillard