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Annan en quatre phases

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"Annan ou le destin de pierre", c’était le jeu de rôles auquel nous nous amusions tous les quatre : Anna (Baby pour les intimes), Jean D., Benoît Leduc (meneur de jeu) et moi-même. Nous fêtions les dix ans (moins six jours) de notre amitié, tous collègues dans une boîte de prospection, et mes dix ans (moins quatre jours ) de mariage avec Anna.

Première phase : traversée du désert à dos de chameau sous une tempête de sable.

Installés dans le salon, nous percevions les effluves de la matelote de roussette au cidre sur lit de fenouil que je servirais avec un sables — Saint Emilion, excellent vin. (pour le dessert, je verrais... En tout cas du calva) Le sifflement de la cocotte couvrait parfois nos diablogues.

Deuxième phase : Arrivée à Annan, menacée de ruine, fauchée comme trèfle, si les vents la désertent.

Nous formions une bonne équipe, pourtant des questions me taraudaient : Jean D. ne jouait-il pas au joli coeur avec Anna ? Horror ! Serait-ce la mort de notre amour ? Et pour quand notre enfant ?

Troisième phase : distraite par les gibouleés d’avril sur les carreaux, Baby sortit d’une case un palet argenté, pour miser sur le sort des gens d’Anna ; aussitôt rappelée à l’ordre par Benoît Leduc, à cheval sur les principes :

— "Ah ! Nan ! Le dé se tient de Pierre !"
Je suivis la règle et lui donnai le dé.

Quatrième phase : le sort des citoyens d’Annan en est jeté !

Mais au moment de placer une phrase fumeuse, style dissert de philo sur la liberté, une odeur de roussi nous alerta. Anna fonça sur la desserte, Benoît Leduc, à pic, assura et commanda :

— "Anna ! Hou ! Le festin de Pierre !"

R R locus russus, In Memoriam

À la manière de Raymond Roussel, allusions aux Fleurs bleues de Queneau.