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Anduze, ou le cadran de glaise

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Il nous a fallu trois heures... (mais, crevantes, hein !), à dos de bidet, pour arriver dans la vallée du Gardon, Pays des Inondations Récidivantes. L’eau toujours agitée, trimbale des lacis de branchages et de lambeaux d’écorce de pin, et emporte une boue jaunâtre à peine diluée, qui finit par colorer chaque rocher. Le bruit chuintant de son remous perpétuel monte jusqu’à la route, au point qu’il faut crier pour qu’on vous apporte un café, à la terrasse des bistrots qui surplombent le torrent. Le Guide de la Baignade en Eaux Troubles du Pays Cévenol explique qu’il faudrait des années pour ramasser les tessons de cannettes de bière qui gisent au fond de la rivière, si elle venait à s’assécher.
En Anduze, au jour des premières canicules d’été, le vieux qui a passé les 90 ans doit promener ses doigts sur un cadran solaire, grossièrement façonné dans la glaise cuite et scellé sur la margelle de la Fontaine des Potiers..
Quand son index s’arrête sur l’une des divisions du cadran, on en déduit le mois probable de la prochaine crue qui atteindra, sur la berge, les boutiques de souvenirs (cigales en terre cuite, pots à eau ornés de trois olives, spatules et salières en bois d’olivier, assiettes décorées et marquées du mot « ANDUZE », cintré sous le contour de l’église St Etienne,...)
Les habitants d’Anduze s’accommodent de ces prédictions, sans se soucier plus que cela de leur avenir...
Lorsque j’en ai parlé au curé, il a levé les yeux au ciel en joignant ses mains...
D’ailleurs, selon cette tradition, rien, dans la position des doigts du vieillard sur le cadran, n’indique l’année de la prochaine crue centennale.